Critique – Opéra & Classique

La Chauve-souris de Johann Strauss II

Un drôle d’affront et une amicale vengeance.

La Chauve-souris de Johann Strauss II

A L’Opéra de Massy, tout comme à l’Opéra-Comique l’an dernier (voir WT 4430 du 26 décembre 2014 la critique de Caroline Alexander), a été présentée la version française de la célèbre opérette de Johann Strauss II, mais, à la différence de la production citée, ici l’action s’est déroulée dans une ambiance proche de la Belle Epoque, avec pour cadre un superbe décor de Christophe Vallaux.

L’histoire rocambolesque commence en fait bien avant le lever du rideau : dans un passé récent, Gabriel Gaillardin a piégé son ami, le notaire Duparquet, en cachant ses vêtements à la fin d’un bal masqué. Duparquet a dû traverser la ville revêtu de son déguisement de chauve-souris. Humilié, il a juré de se venger.

La brillante ouverture avec son lot de mélodies romantiques, mais aussi des galops et des valses viennoises, a permis à l’orchestre de Massy, bien dirigée par Dominique Rouits, de montrer toutes ses capacités d’interprétation. Le public a applaudi longuement et le rideau s’est levé.

Les Gaillardin vivent dans un confort certain. Leur maison bourgeoise, à proximité de Paris, dispose d’un intérieur élégant et spacieux : un grand escalier, des meubles de prix, des bibelots à profusion ; quelques animaux empaillés (Gabriel Gaillardin, le mari, doit aimer la chasse, et se soucier fort peu du temps libre de sa femme, tel Almaviva le comte mozartien) et une grande armoire en bois sculpté, refuge de prétendants à l’occasion. Caroline, la femme, a un soupirant, Alfred, tout comme la comtesse a un admirateur, Cherubin. Les Gaillardin ont une soubrette à leur service –Arlette-, bonne à tout faire, personnage théâtral indispensable pour faire avancer l’action.

Un premier acte hésitant

Gabriel a insulté un policier. Il est condamné à huit jours de prison. Survient le notaire Duparquet son ami, et dans un duo d’une grande drôlerie -où les artistes Didier Henry (Gabriel) et Michel Vaissière (Duparquet) ont montré leur maitrise de la scène-, le deuxième convainc son ami -en fait la proie de sa vengeance- d’assister cette même nuit à un bal masqué, en compagnie de danseuses de l’Opéra de Paris, chez le prince Orlovsky. Caroline, traumatisée dans un premier temps par la peine infligée à Gabriel, apprend de la bouche d’Arlette le projet de son mari. Elle décide d’assister elle aussi au bal avec la soubrette.

Pendant ce premier acte on a senti Catherine Dune hésitante dans le rôle de Caroline : ni vraiment autoritaire face à la bonne, ni bien indifférente face à son mari, ni même réellement intéressée par Alfred son soupirant, -Jérôme Billy- qui lui a dédié pourtant une belle ballade hors scène, d’une voix masculine, bien timbrée, tel Manrico dans « Il Trovatore » de Giuseppe Verdi. Mêlé à son insu à la drôle d’histoire des Gaillardin, le pauvre Alfred finira en prison à la fin de l’acte, à la place de Gabriel, sur une méprise de la police.

Un deuxième acte envoûtant

Les performances des artistes sur scène se sont beaucoup améliorées à partir du deuxième acte. Chez le Prince Orlovsky –rôle travesti interprété avec autorité par Claudia Mauro-, résidence luxueuse ornée de tableaux de maitre –Manet, Renoir,…-, c’est la fête. Tous s’y retrouvent, y compris Tourillon –Jacques Lemaire, désopilant- Directeur de la prison où est sensé se trouver Alfred à la place de…Gaillardin. Tous s’y retrouvent effectivement mais avec des identités inventées ; les qui pro quo se succèdent à toute allure pour aboutir finalement à l’amusant dialogue entre Gabriel et sa femme Caroline, déguisée en comtesse hongroise, qu’il tente de séduire. La vengeance de Duparquet se précise.

Pendant cet acte Agnès Pat –Arlette, soprano léger- a mis en valeur ses capacités vocales réunissant vivacité, flexibilité et clarté de timbre aussi, alors que Catherine Dune, d’une voix assurée a interprété la csárdás hongroise d’une voix riche et ample, sans l’ombre d’un doute ou d’une quelconque hésitation. Le chœur, bien qu’en formation réduite, a rempli admirablement l’espace scénique.

Un troisième acte désopilant.

Le troisième acte a confirmé les valeurs de tous les artistes : Catherine Dune, Agnès Pat et Jérôme Billy, totalement libérés, ont mis tout leur cœur dans la défense vocale de leurs personnages. C’est l’apparition inespérée d’un rôle sans relief jusqu’à alors, le sergent Léopold, le gardien de prison, (que Jacques Duparc s’est confectionné à sa mesure) qui a donné tout son sel au troisième acte. Sa prestation parlée –l’éloge dithyrambique de sa prison-, a été courageuse, drôle, brillante, un grand moment de comédie. A la fin l’imbroglio entre tous les personnages se dénoue : Alfred sort de prison, Gaillardin se trouve bien ridicule face à sa propre femme, qui le pardonne. Et Duparquet est amicalement vengé.

La chauve-souris. Operette en trois actes de Johann Strauss II. Livret de Richard Genée d’après “Le réveillon” d’Henry Mailhac et Ludovic Halévy. Orchestre de l’Opéra de Massy. Direction musicale Dominique Rouits. Mise en scène Jacques Duparc, décors Christophe Vallaux, costumes Art Musical, Lumières Marc Delamézière. Chœurs Art Musical. Avec Catherine Dune, Agnès Pat, Didier Henry, Claudia Mauro, Michel Vaissière, Jacques Lemaire, Jaques Duparc, Jérôme Billy.

Coproduction de l’Opéra de Tours, Opéra Grand Avignon, Opéra de Reims et Art Musical.

Opéra de Massy les 28 et 29 novembre 2015.

www.opera-massy.com

Photos Chantal Droller

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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