John A-Dreams de Serge Valletti par Patrick Pineau

Se dessaisir du passé pour laisser place à l’avenir encore

John A-Dreams de Serge Valletti par Patrick Pineau

Ce monologue est écrit par Serge Valetti pour Patrick Pineau - un texte sur mesure, inspiré du personnage de John A-Dreams cité par Hamlet, plus inefficace que lui encore, plus hésitant et insatisfait. Hamlet sait pourquoi il doit venger son père qui le visite en spectre, et tuer son oncle.

Or, John A-Dreams cherche qui il doit venger et pourquoi. Qui doit-il tuer ? Les monstres qui sont en lui ou tous ceux qui les ont tant fait souffrir qu’ils les ont poussés à devenir de tels monstres ?Pour que les spectateurs cherchent en eux-mêmes, ces monstres qui empêchent de vivre.

Une enfance malheureuse et violée alors que le garçon ne dispose pas encore du pouvoir du langage, du recours à la parole pour formuler, dire et raconter - pour s’exprimer enfin -, et la découverte ultérieure du théâtre qui emporte tout et conduit l’acteur bien au-delà de lui-même.

« Tu devrais faire du théâtre », lui conseille-t-on, comme en passant, en ignorant forcément ce que l’acteur deviendra, alors que le comédien Patrick Pineau a voué sa vie entière à cet art de la scène. Il était dans les années 1990 une égérie des plateaux du théâtre public - force et comique - dans les mises en scène inoubliables de Georges Lavaudant - Un Chapeau de paille d’Italie de Labiche, entre autres -, des créations de Jean-Pierre Vincent, de Jacques Nichet, de Michel Deustch, d’Alain Milianti, de Claire Lasne, de Michel Cerda, de Gérard Watkins, d’Eric Elmosnino.

Puis, l’acteur n’a jamais cessé d’oeuvrer pour la scène en région, aux côtés de la fidèle Sylvie Orcier, conciliant exigences professionnelles et familiales dans un bel esprit de troupe vivante - enfants, amis et complices de longue date.

Patrick Pineau s’empare ici d’un texte évocateur : un homme mûr évoque l’amour pour sa « petite chérie », son métier, se tournant vers le passé, questionnant sa jeunesse enfuie et ses rêves.
Les méandres des digressions n’égarent jamais le personnage. Puissant et désinvolte, l’acteur fait résonner les mouvements d’une écriture vivante. Fragile et lucide, le héros porte un regard amusé sur le monde et lui-même - une histoire universelle, la nôtre, qui ne peut que toucher et émouvoir.

« Qu’il se démène avec tous ces mots, passant d’abord par son corps pour entrer dans le nôtre. Ces mots, ces phrases, ces paragraphes racontent une histoire de vengeance. Pour emporter le public dans le grand huit intérieur de chacun », écrit l’auteur Serge Valletti.

Et s’il s’agit de vengeance, c’est celle de la vie qui va, des jours qui vous échappent malgré vous. Serge Valletti déroule une écriture claire, à la fois distante et sensible, entre humour et dérision :
« Entrez ! Entrez messieurs dames ! Ce que vous verrez à l’intérieur dépasse toutes les imaginations possibles ! Vous n’en croirez pas vos mirettes ! Vous apprendrez comment les chauves peuvent détruire le monde. Vous serez subjugués par les terribles secousses que peuvent provoquer les acteurs de cinéma. Vous assisterez aux ébats sulfureux des secrétaires en jupons. Jamais vous n’aurez ressenti aussi intensément la torpeur torride des étés romains… » John A-Dreams, extrait.

Et Patrick Pineau déploie l’éventail de son art de l’éloquence - facétie, ironie, emportement et colère, et l’expression corporelle, la danse que l’interprète fait sienne désormais, dévoilant une souplesse de mouvements et de gestes jetés amplement dans l’espace, à la mesure de sa liberté.

Alternant l’espace de la chambre où il laisse libre cours à son monologue intérieur, il revient sur le devant de scène, dans la cuisine séparée de son alcôve par un voile de tulle sur lequel évolue dans le silence une femme - mère, amante… -, présence passée de souvenirs imprimés à vie. Or, l’acteur s’adresse au public et lui parle vrai : regardons un avenir prometteur à explorer encore…

John A-Dreams de Serge Valletti, mise en scène de Sylvie Orcier, jeu de Patrick Pineau. Création lumière Christian Pinaud, musique Jean-Philippe François, image Ludovic Lang, scénographie Sylvie Orcier. Du 5 au 9 juillet 2022 à 20h30, le 10 juillet à 16h au Théâtre Comédie Odéon 6, rue Grolée 69002 - Lyon. Les Nuits de Fourvière. Tél : 04 72 32 00 00.
Crédit photo : Vincent Descotils

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Véronique Hotte

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