Inflammation du verbe vivre d’après Philoctète de Sophocle

quête de poésie

Inflammation du verbe vivre d'après Philoctète de Sophocle

Après le premier volet de la trilogie Le Dernier Jour de sa vie, voici Inflammation du verbe vivre. Le décès du traducteur Robert Davreu qui travaillait sur le projet a bouleversé Mouawad au point de ne pouvoir le poursuivre tel qu’il était initialement prévu. Le résultat sera finalement un film interactif, hommage au disparu, réalisé par le metteur en scène qui aurait peut-être dû déléguer la prise de son et le montage. Malgré une qualité cinématographique médiocre et une longueur excessive, cette quête de Philoctète aux côtés de Wajdi Mouawad ne manque pas de poésie et d’une étrangeté magnétique.
Le préambule en forme de discours aux morts ne manque pas d’humour, toujours frotté à la tragédie. Une occasion d’évoquer la Grèce du siècle de Périclès, la naissance de la démocratie, de la tragédie, du théâtre, miroir des hommes. Après ce préambule, Mouawad traverse l’écran pour s’embarquer en Grèce, à la recherche des Anciens. Il arrive dans un aéroport abandonné, une voix lui indique qu’un un taxi l’attend qui l’emmènera au bord de la mer, dans des ruines habitées par des chiens errants. C’est Orphée aux Enfers de Cocteau sans Maria Casarès et sans la moto remplacé par un taxi. L’ambiance est assez réussie, telle cette scène de noyade ; alors que le personnage se débat dans les eaux tumultueuses, à trois reprises, au fur et à mesure qu’il perd pied, s’intercale brusquement une scène nocturne silencieuse où l’on voit une barque glisser sur l’Achéron qui vient réceptionner le futur noyé. Très belle image du destin en marche. Nous voilà donc aux Enfers, à la recherche de Philoctète.
Philoctète était un compagnon d’Ulysse que celui-ci a abandonné sans scrupules sur une île à cause d’une plaie pestilentielle inguérissable. Il y restera dix ans. Mais Ulysse, apprenant qu’il ne gagnera pas la bataille de Troie sans l’arc d’Héraklès que détient Philoctète, lui envoie un adolescent, Néoptolème, fils d’Achille, chargé de récupérer l’arme par la ruse. Mais le jeune homme se prend d’amitié pour Philoctète et ne pouvant le trahir, lui avoue la ruse. Finalement Ulysse le convainc et Philoctète donne son arc. Mouawad établit un parallèle entre Philoctète de la Grèce antique et Alexandros, le jeune homme tué lors d’une manifestation à Athènes, symbole de la Grèce du « Grexit », également isolés et humiliés. Il multiplie les questions politiques et sociales auxquelles il mêle ses propres interrogations pour finir par découvrir l’objet de sa quête : la poésie est le seul chemin. Autant d’aspects très intéressants quelque peu noyés dans un discours souvent verbeux et redondant. Malgré quelques très beaux moments, l’auteur n’a pas toujours réussi à transformer le plomb du réel en or poétique, peut-être parce qu’encore trop troublé par la disparition de l’ami et traducteur.

Inflammation du verbe vivre d’après Philoctète de Sophocle, images, son et montage Wajdi Mouawad, musiques Mickael Jon Fink ; avec Wajdi Mouawad, Dimitris Kranias. Au théâtre de Chaillot 31 mai et 1er juin 2016. Tel : 01 53 65 30 00. Durée : 2h20.

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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