Paris - Théâtre des Champs Elysées - jusqu’au 24 novembre - en tournée jusqu’en février 2008

Il sant’Alessio de Stefano Landi

Hors du monde, hors du temps, la sainteté à la bougie

Il sant'Alessio de Stefano Landi

Au dehors, Paris paralysée, engorgée par les grèves de transports, au-dedans, le Théâtre des Champs Elysées plein jusqu’au dernier strapontin du dernier rang du dernier balcon. A peine dix minutes de décalage au lever de rideau pour permettre aux retardataires de trouver leur place. Un vent de ferveur, de grand messe, pourrait-on dire, soufflait pour assister au spectacle le plus décalé par rapport au temps présent : un opéra pieux d’un compositeur baroque oublié des scènes, monté comme autrefois à la lumière de bougies et chanté exclusivement par des hommes.

Au 17ème siècles, on obtenait leur tessiture en leur ôtant leurs attributs virils, aujourd’hui des contre ténors aux aigus naturels ont heureusement remplacé les castrats. Mais pouvoir en entendre huit d’un seul coup, en épouses, mères, nourrices et soeurs, relèvent de l’événement. Avec William Christie et ses Arts Florissants pour gage supplémentaire d’authenticité le succès était d’avance assuré. D’autant que le spectacle, créé à Caen le 16 octobre dernier, était déjà précédé de rumeurs enthousiastes.

Opéra sacré sur un sujet historique

Vingt cinq ans à peine séparent la création de l’Orfeo de Monteverdi, considéré comme le premier opéra de l’histoire de la musique, et celle de Il sant’Alessio de Stefano Landi. L’œuvre du premier continue d’être célébrée, celle du second a rejoint les archives. A Rome pourtant, au cœur de ce 17ème siècle, Landi était aussi en vogue que Monteverdi à Mantoue, et ses nombreuses pièces lyriques ou orchestrales étaient jouées partout.
Opéra sacré fondé sur un sujet historique, Il sant’Alessio, commande de la famille pontificale des Barberini, était avant tout destiné à raviver le culte du catholicisme romain en réaction aux vents de réforme soufflés par le protestantisme naissant. C’est donc l’édifiante saga d’Alexis, fils du bourgeois Eufemanio, qui, le soir de ses noces, choisit l’ascèse et l’abstinence pour s’attirer la reconnaissance céleste et accéder à la sainteté. Renoncer au monde pour conquérir le ciel, échapper au Diable pour mieux connaître Dieu, les leitmotivs des rats d’église sont modulés sur tous les tons. Avec de superbes sinfonias orchestrales et des arias rutilantes, défiant les anges et les démons.

Une écriture à la fois savante et ludique

On avait découvert le jeune metteur en scène Benjamin Lazar en 2004 avec un Bourgeois Gentilhomme de Molière et Lully représenté comme au Grand Siècle, avec gestuelles, danses et parler ad hoc, décors, costumes et lumières comme si on y était. Une performance certes spectaculaire mais qui, sur une durée de près de quatre heures, engendrait un brin de somnolence. Dans cette comédie c’est le texte de Molière qui tient le devant de la scène, la musique de Lully ne faisant que l’ornementer.

Tout le contraire de Il sant’Alessio qui n’est que musique, musique et foi. D’une écriture à la fois savante et ludique où les grands états d’âmes sont entrecoupés avec malice d’intermèdes burlesques et carnavalesques, il se prête à merveille au traitement délicieusement passéiste de la mise en scène.

Un saint béni des dieux de la musique

Huit contre ténors tiennent donc les rênes de cette course à la béatitude. Trois basses et un ténor leur donne la réplique : dans les rôles principaux, la basse noble et sensible de Alain Buet en Eufemiano, le père d’Alexis et la basse nocturne et rageuse de Luigi De Donato pour Demonio, le démon chasseur de cœurs innocents. Jean-Paul Bonneval prête son timbre léger à Nutrice/la nourrice, Xavier Sabata chante la madre/mère en glissant sur des tonalités de mezzo, les deux clowns des intermèdes ont le punch et la vivacité de Damien Guillon et Pascal Bertin. Max Emmanuel Cencic crée une véritable confusion des sexes en s’appropriant la sposa/l’épouse avec l’apparence d’une vraie femme et la voix d’une vraie soprano. Quant à Philippe Jaroussky, star montante des gosiers d’or du lyrique, il confirme la grâce de ses dons, la pureté de sa voix et l’élégance de son jeu.

Lumières dorées où quelques ampoules et deux projecteurs discrets aident les bougies à ne pas trop trembloter, décors mobiles en bois cuivrés, costumes échappés de Rembrandt ou De la Tour, procession d’anges ailés et préciosité du jeu et des danses, le tout couronné par les suavité sonore des théorbe, chitarrone, clavecin, lirone et autres violes de gambe emmenés au paradis par William Christie, ce saint béni des dieux de la musique en convertirait plus d’un.

Il sant’Alessio de Stefano Landi, chœur et orchestre des Arts Florissants, direction William Christie, chœur d’enfants de la Maîtrise de Caen, mise en scène Benjamin Lazar, scénographie Adeline Caron, costumes Alain Blanchot, lumières Christophe Naillet, chorégraphie Françoise Denieau. Avec Philippe Jaroussky, Max Emmanuel Cencic, Alain Buet, Xavier Sabata, Damien Guillon, Pascal Bertin, José Lemos, Luigi De Donato, Jean-Paul Bonnevalle, Terry Wey, Ryland Angel, Ludovic Provost.
Créé au Théâtre de Caen le 16 octobre 2007 – Joué au Théâtre des Champs Elysées à Paris, les 21, 23 & 24 novembre. En tournée : à l’Opéra National de Lorraine de Nancy, les 24,25,27,29 &, 30 janvier 2008, au Grand Théâtre de la ville de Luxembourg, les 14 & 16 février – Reprise prévue en 2011 au Grand Théâtre de Genève.

www.theatrechampselysees.fr

crédit photos © Alvaro Yañez

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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