Il faut terminer qu’est-ce qu’on a commencé de Nicolas Liautard

Nouvelle vague

Il faut terminer qu'est-ce qu'on a commencé de Nicolas Liautard

Drôle de titre. Faut-il attribuer cette volontaire faute de français à Nicolas Liautard, auteur du spectacle, ou à Jean-Luc Godard, dont Liautard adapte librement le scénario du Mépris ? Nous n’avons pas vérifié, tant d’auteurs interviennent dans ce spectacle pourtant si personnel. Au départ, pour Godard et Liautard, il y a le roman de Moravia, l’histoire d’un scénariste qui part à Capri pour écrire un script autour de L’Odyssée et qui, en acceptant ce travail et le dialogue avec les producteurs, y perd son âme en même temps que la femme qu’il aime. Puis il y a le film dont Liautard se souvient de façon admirative et distante. Enfin, il fait de petits emprunts aux vraies sources : Homère et Dante. Mais il parle aussi de lui-même, de sa génération, de la façon d’aimer et de mal aimer, de la condition de l’auteur qui, en acceptant un certain type de commande et en croyant satisfaire son entourage, tombe dans un piège insidieux.
Au centre d’un dispositif bi-frontal, les acteurs n’ont pas besoin de beaucoup d’éléments de décor. Le dauphin mythique dont on parlera sera en plastique. Quand ils n’ont pas à jouer, les comédiens attendent derrière une table, mais pas tous : restent attablés ceux qui incarnent le pouvoir. Les autres flottent dans l’espace, sans place précise. L’on parle français, allemand, anglais, avec des surtitres pour les deux langues étrangères et l’aide de l’un des personnages qui traduit (mal, pour nous faire rire). Le style change, avec des passages à la pénombre, des dialogues chuchotés. Nicolas Liautard, tel Godard naguère au cinéma, c’et la nouvelle vague du théâtre pour notre décennie 2010. Il casse le déroulement linéaire d’une histoire mais rend troublante, gênante, suffocante, chaque scène. Les acteurs, Fabrice Pierre (l’auteur de théâtre cherchant à cachetonner dans le cinéma), Aurélie Nuzillard (sa compagne), Jean-Yves Broustail, Jean-Charles Delaume, Wolgang Pissors et Marion Suzanne sont tous d’un relief stupéfiant, sans pour autant être explicatifs. Ils ont un mystère, une vérité en eux, derrière eux. Quelque chose de neuf a lieu devant nous, et l’on peut compter Liautard parmi ceux qui sont en train de donner une nouvelle respiration au théâtre, d’une manière aussi forte que le fit, par exemple, ces dernières années, un Marcial di Fonzo Bo.

Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé de Nicolas Liautard, librement inspiré d’Alberto Moravia, Jean-Luc Godard, Homère et Dante, mise en scène de Nicolas Liautard, son de Thomas Watteau, avec Jean-Yves Broustail, Jean-Charles Delaume, Aurélie Nuzillard, Fabrice Pierre, Wolgang Pissors, Marion Suzanne.

Théâtre de la Colline, 21 h, tél. : 01 44 62 52 52, jusqu’au 29 mars. (Durée : 2 h 25).

Photo DR.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook