Bobigny -MC93 jusqu’au 28 juin 2013

Il MONDO DELLA LUNA de Franz Joseph Haydn

Haydn version potache, musicalement fidèle et hilarant

Il MONDO DELLA LUNA de Franz Joseph Haydn

Pour la sixième fois, l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris, fourmilière de perfectionnement pour jeunes talents lyriques, présente sa production de fin d’année sur les planches de la MC93 de Bobigny. A Mozart (Cosi fan tutte, La Finta Giardinera), Cimarosa (Le Mariage Secret), Martinu (Mirandola), Gluck (Orphée et Eurydice) (voir WT 1884 du 3 mai 2009, 2380 du 29 juin 2010, 2798 du 6 mai 2011, 3353 du 26 juin 2012) succèdent les ondes pétillantes de Joseph Haydn (1732-1809).

Il Mondo della Luna – Le monde de la lune, est intitulé « dramma giocoso » ou plutôt opéra bouffe avec ses parties dialoguées, mais il n’est pas drame du tout, il est totalement bouffon, directement inspiré de l’héritier direct de la commedia dell’arte que fut Carlo Goldoni. (1707-1793). Cette petit poil à gratter lyrique, commande du prince Eszterháza, mécène de Haydn, fut créé en 1777 dans sa ville Eszterházy en Hongrie. Il est rarement mis sur les orbites du rire. Le plaisir de les découvrir filant vers les astres est d’autant plus communicatif.

C’est l’histoire d’une grosse blague qu’une bande de jeunes font à un vieux naïf – Buenafede le bien nommé (bonne foi) – pour lui soutirer des sous et obtenir ses filles mariage. Ecclitico, amoureux de Clarice, se pique d’astronomie, bricole un faux télescope et fait croire au papa gâteux qu’il peut y admirer la vie sur la lune. Ses copains, Ernesto, épris de Flaminia et Cecco qui aime la servante Lisetta, l’aide à monter des trompe-l’œil à l’aide marionnettes qui font défiler des images affriolantes où des adolescentes dénudées font des grâces à des barbons. Ils poussent plus loin leur jeu canaille, font ingurgiter un soporifique au vieux, transforme son lieu de vie en un espace irréel, blanc, bossu…en un mot lunaire et lui font croire qu’il y est, sur cette lune qu’il croyait suspendue dans l’infini des étoile et qu’elle est habitée par un monarque et ses serviteurs… Quand le subterfuge est révélé à sa crédule victime, sa bonne foi et sa générosité l’emportent. Il en rit et accepte d’unir les amoureux.

Pour David Lescot, musicien, chanteur, dramaturge et poète qui signe ici sa deuxième mise en scène lyrique, l’ensemble, musique et livret, relève de la farce totale et il s’emploie à en démonter les mécanismes pour mieux les faire rebondir. Pari réussi dans un environnement de bidonville aux formes et couleurs à l’italienne puisé dans le monde d’Ettore Scola, son cinéma de banlieues désolées mais fouettées d’humour, d’amour et d’autodérision. Les héros de Haydn y deviennent comme ceux de Scola « affreux, sales et méchants » avec une vitalité propre à décoiffer le monde. Le logis de Buenafede est une roulotte brinquebalante posée dans une décharge que meublent des vieux pneus, des carcasses de bagnoles et tout un zoo d’objets hétéroclites abandonnés (scénographie Alwyne de Dardel). Ecclitico est propriétaire d’un vieux camion à ciel ouvert qu’il déguise au gré des besoins de ses blagues.

Au deuxième acte, quand le naïf vieillard est censé se promener sur la lune, tout est recouvert de draps blancs un peu gris de poussières formant des mamelons fripés d’où surgissent des fleurs à ressorts. La bande de copains est tout aussi déguisée de fripes, perruques en papiers, robes en sacs poubelles, jupes montées sur parasol et casques en tuyaux de poêle (des drôles de costumes conçus et réalisés par les étudiants costumiers réalisateurs du lycée La Source de Nogent-sur-Marne).

La troupe de l’Atelier Lyrique manifestement se délecte à endosser les humeurs de leurs savoureux personnages. Ils se les jouent en gosses potaches mais avec une discipline de jeunes pros finement dirigés par leur metteur en scène lequel sait ce que veut dire jouer la comédie. Pas de révélation fracassante au niveau des voix, mais une belle homogénéité, un savoir-faire déjà ancré et des promesses. Les rôles ont été répartis en deux distributions. La première fut dominée par la présence et le timbre chaleureux, la belle projection du très jeune baryton portugais Tiago Matos, 23 ans à peine et un sens souriant de la composition pour incarner Buenafede, l’ancêtre. Oleksiy Palchykov, ténor venu d’Ukraine, fait d’Eccletico, l’astronome suborneur, un gamin rigolard à la voix un rien voilée, Ernesto, rôle écrit pour un castrat, hérite de la voix claire de Eva Zaïcik dont la formation aux musiques anciennes est un atout pour ce personnage travesti. Andreea Soare, soprano roumaine est une Clarice de charme malicieux, Olga Seliverstova, soprano russe, fait grimper les extases de Flaminia dans des aigus d’éclairs – à maîtriser -, Lisetta a les traits et la gaieté à fleur de peau d’Anna Pennisi mezzo-soprano au timbre éclairé par les lumières de sa Sicile natale. Kevin Amiel/Cecco roi de la roublardise et les élèves d’Eccletico, Pietri di Bianco, Andriy Gnatiuk, Joao Pedro Cabral, tous contribuent à la belle humeur de ce voyage dans le monde hilarant d’une lune de pacotille.

Le jeune Guillaume Tourniaire dirige les musiciens de l’Orchestre-Atelier Ostinato de battues à la fois fermes et aériennes, justes cadences pour un envol vers les infinis du rire.

Il Mondo della Luna de Franz Joseph Haydn, livret de Carlo Goldoni, orchestre-atelier Ostinato direction Guillaume Tourniaire, mise en scène David Lescot, scénographie Alwyne de Dardel, costumes Sylvette Dequest et les étudiants costumiers du lycée La Source de Nogent-sur-Marne), lumières Paul Beaureilles, effets de magie Benoit Dattez. Avec (pour les représentations des 22 et 26 juin) Eva Zaïcik, Oleksiy Palchykov, Anna Pennisi, Tiago Matos, Andreea Soare, Olga Seliverstova, Kévin Amiel, Pietro di Bianco, Andriy Gnatiuk, Joao Pedro Cabral .

Bobigny – MC93 les 22, 24, 26, 28 juin à 20h.

01 41 60 72 72 / www.MC93.com ou 08 92 89 90 90 www.operadeparisfr

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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