Critique – Opéra-Classique

GÖTTERDÄMMERUNG de Richard Wagner

Tout est bien qui finit bien

GÖTTERDÄMMERUNG de Richard Wagner

« Götterdämmerung » clôt avec succès, la Tétralogie licéiste initiée en 2013 (voir webthea des 09/05/13, 04/06/14, et 16/03/15) par l’ancienne Direction du théâtre, partie en plein milieu du gué. La nouvelle équipe aux commandes a heureusement maintenu le déroulement de la saga jusqu’à sa conclusion, malgré les circonstances économiques défavorables que le Liceu a traversées.

Le théâtre a proposé cette production seulement dix ans après celle mise en scène par Harry Kupfer (2003-2004) et dirigé par Bertrand de Billly, alors directeur musical du théâtre de la Rambla. On ne se souvient pas de celle qui l’avait précédé en 1956 !.

Voilà donc le licéiste-wagnérien (un pléonasme ?), libéré des rocambolesques et interminables histoires du Notung et de Mime, d’Erda et du dragon -« Siegfried » étant pour lui un vrai calvaire (voir webthea du 16/03/15)-, prêt à rencontrer Brünnhilde et Siegfried au lendemain de leur nuit de noces et à suivre avec grand plaisir les deux malheureux protagonistes tout au long de ce « Crépuscule ».

Jouer Richard Wagner, un plaisir évident pour l’orchestre du Liceu

L’orchestre de la maison s’est de nouveau distingué par son enthousiasme, son savoir-faire, sa volonté de bien faire aussi. Finie la contestation dont le chef Josep Pons avait fait l’objet. Sa connaissance de la partition n’est sans doute pas aussi affirmée que celle d’autres spécialistes de Richard Wagner, mais il a fait face cette fois-ci à la partition avec brio et a mérité les applaudissements qui lui ont été adressés. Sous sa direction, les maestros dans la fosse ont apporté le fond musical de la nuit avec application, et une présence évidente, en particulier, mais pas seulement, lors des passages symphoniques de la pièce.

Une mise en scène cohérente avec les options du passé

Robert Carsen a maintenu jusqu’au bout les options prises au début. Il a proposé certes des changements nombreux de décor –signés Patrick Kinmonth- accompagnant ainsi la progression de l’histoire : si les filles du Rhin habitent un monde en totale décomposition -le fonds d’un fleuve desséché-, et les dieux dans le chantier du Walhalla à peine terminé, Gunther et ses Gibichungen vivent dans un milieu bourgeois quelque peu militarisé.

Remercions également Manfred Voss pour son travail d’éclairage sur l’ensemble de la Tétralogie.

On a senti la même richesse dans la gestuelle dramatique des personnages. Les mouvements imposés aux acteurs ont été très travaillés, au point de nous indiquer, à eux seuls qui était qui. Bien entendu, les évolutions sur scène ont obéi tout d’abord à l’état d’esprit du moment du personnage, à la situation dramatique, mais ils ont été aussi imaginés et exécutés en fonction de la position sociale occupée au sein de son groupe : face à Brunehilde par exemple, la colère de Wotan (« Die Walküre ») n’est pas exprimée de la même manière que celle de Siegfried face à Mime (« Siegfried ») ; la grandeur de Wotan face aux autres dieux, est traduite dans les opéras précédents de manière différente de celle de Gunther –roi des Guibichungen- face à sa sœur Gutrune, à Hagen et à son peuple en général (« Götterdämmerung »).

Les chanteurs toujours à la hauteur.

Dans l’ensemble, la distribution a plu au public, qui par ses silences en particulier pendant certains passages, a montré un intérêt certain pour le travail des uns et des autres sur scène. Lance Ryan –absent pour maladie lors de « Siegfried »- a campé le héros wagnérien dans toute sa splendeur alliant puissance vocale et expression nuancée. Iréne Theorin –Brünnhilde-, a confirmé ses qualités plurielles, déjà bien visibles l’an dernier dans « Siegfried » ; elle a donné de Brünnhilde une image tantôt douce et amoureuse au lendemain de leur nuit de noces, tantôt sèche et intransigeante vis à vis de sa belle-sœur Gutrune (Jacquelyn Wagner elle-même expressive, convaincante, en un mot superbe). Son dialogue avec sa sœur Waltraute –Michaela Schuster bien imprégnée du personnage- a été un grand moment lyrique. Hans Peter König,-Hagen-, en particulier, et Samuel Youn –Gunther- ont maintenu leurs rôles à un excellent niveau vocal et dramatique. Les filles du Rhin que l’on a vu il y a trois ans dans « Rheingold » nous avaient impressionnés particulièrement ; leurs remplaçantes, Isabella Gaudi (Woglinde), Anna Alàs (Wellgunde) et Marina Pinchuk (Flosshilde), certes face à une tâche moins ardue, n’ont pas démérité. Les Nornes –Cristina Faus, Pilar Vázquez et Jaquelyn Wagner ont introduit cette troisième journée de la Tétralogie avec émotion et sens de la tragédie.

Le public a également applaudi avec justice le travail de Conxita Garcia pour la bonne préparation du chœur de la maison.

Die Götterdämmerung, drame musical en trois actes. Livret et musique de Richard Wagner. Mise en scène de Robert Carsen. Direction musicale de Josep Pons. Avec Lance Ryan, Samuel Youn, Hans Peter König, Oskar Hillebrandt, Iréne Theorin, Jacquelyn Wagner, Michaela Schuster, Cristina Faus, Pilar Vázquez, Isabella Gaudí, Anna Alàs, Marina Pinchuk

Gran Teatre del Liceu les 28 février, 3, 7, 11, 14 et 19 mars 2016.
Production Bühnen der Stadt Köln.
http://www.liceubarcelona.com exploitation@liceubarcelona.cat
Téléphone 902 53 33 53 +34 93 274 64 11 (International)

Photos Antoni Bofill

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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