Femme non-rééducable de Stefano Massini
Un bel hommage à une femme d’exception.
La journaliste russe Anna Politkovskaïa, à partir de juin 1999, rédige des articles pour le journal en ligne Novaïa Gazeta. Elle est surtout connue pour son militantisme pour les droits de l’homme, son opposition à la politique de Poutine, sa couverture du conflit tchétchène et ses critiques virulentes contre les autorités prorusses de Tchétchénie, notamment son chef Ramzan Kadyrov.
Dans un décor très sobre de Tadrina Hocking, un tapis et un tas de cailloux posés au milieu du plateau, se tient Caroline Rochefort, droite, déterminée comme l’était la journaliste russe, qui ne recula ni devant les menaces du pouvoir pour la faire taire, ni face aux dangers de la guerre.. Elle partage la scène avec Pierre Berçot, tout à fait convainquant dans ses interprétations des différents personnages russes qui l’ont menacée. La comédienne incarne avec retenue et sensibilité mais sans pathos Anna Politkovskaïa. D’une voix assurée, elle raconte…
Reporter de guerre elle se rend plusieurs fois en Tchétchénie pour rencontrer des soldats russes et la population tchétchène, victime d’atrocités insupportables. Elle rappelle les enjeux économiques qui ont entraîné ce conflit qui dura dix ans et occasionna de nombreux massacres. Les récits sont atroces et rendent compte de la barbarie de la guerre. « Il faut écrire la vérité, même si personne n’a envie de l’entendre » , disait Anna Politkovskaïa. Elle considérait comme un devoir d’informer la population russe largement manipulée par la propagande diffusée par les médias officiels.
Les pressions, les menaces pour la faire taire sont nombreuses. Elle évoque son arrestation en 2001 par les forces russes, dans la région de Chatoï pour avoir « enfreint les règlements en vigueur pour les journalistes », alors qu’elle effectue une enquête sur un centre de détention de l’armée. Elle est détenue plusieurs jours, battue et menacée de viol et de mort. En 2002, elle participe aux négociations lors de la prise d’otages du théâtre Doubrovka à Moscou. En 2004, elle est victime d’une tentative d’empoisonnement dans l’avion qui l’amène à Rostov-sur-le-Don, afin de l’empêcher de participer aux négociations avec les preneurs d’otages de l’école n°1 de Beslan. Selon le bilan officiel, il y a eu 334 civils tués, dont 186 enfants.
Mais elle s’obstine à écrire, à dénoncer les abus, les corruptions, alors, celle que l’état-major considérait comme « non-rééducable » est assassinée, à Moscou, le 7 octobre 2006 !
Cette pièce rend un bel hommage au courage de cette femme et rappelle que, aujourd’hui, la liberté de la presse est toujours menacée et que les journalistes russes sont en danger quand ils ne sont pas arrêtés ou éliminés pour avoir critiqué la politique, et les étrangers interdits de séjour. Le journal Novaïa Gazeta auquel Anna Politkovskaïa collaborait fut contraint en mars 2022 de suspendre sa publication en raison d’une nouvelle loi qui punit de 15 ans de prison toute diffusion d’information jugée « mensongère », c’est-à-dire non alignée sur le discours du Kremlin sur la guerre en Ukraine !
A partir de 14 ans
Femme non-rééducable de Stefano Massini
Traduit de l’italien par Pietro Pizzuti
Mise en scène : Tadrina Hocking
Avec : Pierre Berçot et Caroline Rochefort
Créateur lumière : François Leneveu
Conception et création décor : Stéphane Duclot
Musique et son : Goyave
Costumes : Julia Allègre
Crédit photo : Louis Josse
Festival OFF Avignon
Jusqu’au 21 juillet, à 18 h 25. Relâche le 18 juillet
Théâtre du Balcon
38, rue Guillaume-Puy, 84000 Avignon