Fast de Poiteaux et Lenel
Être n’est pas avoir ; posséder n’est pas exister
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- 25 août
- Critiques
- Jeune Public
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C’était un pari risqué que désirer théâtraliser un sujet tel que ceux qui composent d’habitude le menu d’émissions télé comme « Investigations » sur France 2 ou sur La Une de la RTBF. Mais Inti Théâtre a toujours aimé relever ce genre de défi et le gagner.
Didier Poiteaux et son comparse Olivier Lenel ont réussi à intégrer la totalité des aspects importants de leur sujet de réflexion qu’est la mode. L’essentiel s’y trouve : des éléments strictement documentaires du genre statistiques, schémas, comparaisons entre des systèmes économiques… Ils s’intercalent entre des dialogues ouverts, l’édification en direct d’un décor symbolisant la production à outrance, des saynètes humoristiques, des jeux télé et des témoignages ou des extraits de discours incarnés par un monologue, des anecdotes autobiographiques, divers défilés divers dont des costumes extravagants créés spécialement par Perrine Langlais. De plus, comme lors des présentations de haute couture, le public est placé en bi-frontal de chaque côté de l’espace de comédie, presque partenaire, malgré lui, de ce qui se passe sur scène.
L’intention de cette démarche est de nous mettre face à l’habitude que nous avons adoptée, ou plutôt qu’on nous a inoculée à coups redoublés de pub et autres manipulations au sein de notre société de (sur)consommation : acheter, acheter, acheter même ce dont nous n’avons nul besoin et que parfois nous n’utiliserons jamais. C’est le résultat de la « fast fashion », un mode de production textile consistant à fabriquer toujours et encore plus à des prix de plus en plus réduits.
Au fil des informations, démonstrations et illustrations, nous allons de découverte en découverte, de révélation en révélation. Tant au sujet des pratiques d’exploitation des hommes qui fabriquent que concernant les conséquences écologiques sur l’ensemble de la planète. Car, ainsi que l’a affirmé un des pontes d’une supra-multinationale : « Aujourd’hui, polluer est la meilleure façon de gagner de l’argent ».
Ce théâtre documentaire n’a pas pour objectif de culpabiliser. Il est question de conscientiser. Comprendre pourquoi nous avons vous besoin de paraître car c’est une façon d’exister aux yeux des autres. Percevoir qu’il y a différence entre désir et nécessité, une autre encore entre envie et manipulation de producteurs pour la susciter.
Prendre mesure de l’énormité croissante des répercussions sur les marchés du travail, sur des profits exorbitants d’actionnaires, sur l’équilibre global de notre planète. Décider enfin dans quelle mesure il est bien de se faire plaisir en tant qu’individu sans pour autant exercer une influence nocive sur la communauté à laquelle on appartient.
Au sortir de la plaisante représentation de "Fast" (dont le titre complet est "Peut-on se réapproprier nos désirs dans une société de consommation ?"), on se regarde dans un miroir avec autant d’attention à la qualité de notre apparence que de s’interroger sur les dérives où nous a menés un libéralisme sauvage. Pari gagné !
Rencontre du Théâtre jeune Public de Huy 2024
À partir de 13 ans
Durée : 1h
En tournée :
01>04.10.2024 Les Chiroux Liège (Be)
05>08.11.2024 Le Point du Jour Lyon
10>12.02.2025 La Montagne magique Bruxelles (Be)
26>28.03.2025 Jean Vilar Vitry-sur-Seine
03-04.04.2025 WHall Woluwé-Saint-Pierre (Be)
Conception, mise en scène, jeu : Olivier Lenel, Didier Poiteaux
Recherches, texte, jeu : Didier Poiteaux
Soutien à la mise en scène : Valériane De Maerteleire
Scénographie : Sofia Dilinos
Costumes : Perrine Langlais
Création lumière : Pier Gallen
Montage sonore : Roxane Brunet
Création musique : Matthieu Viley
Régie Fanny Boizard, Roman Quennery
Infographies Julie Majcherczyk
Regard extérieur : Pierre-Paul Constant
Remerciements : Amel Felloussia
Coordination de la médiation : Coline Tasiaux
Administration : Pomme Vivane
Production : INTI THÉÂTRE
Coproduction : Pierre de Lune, Centres culturels (Verviers - Dinant), Central, La Coop asbl, Shelter Prod
Partenariats Centre culturel Wolubilis, Centre culturel de Berchem-Sainte-Agathe et Koekelberg/Archipel 19, la Roseraie, Théâtre de la Montagne Magique, Service culture de la Commune d’Ixelles, Ville de Bruxelles, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Théâtre des Doms, achACT asbl et la Sonuma
Soutien : Service du théâtre de la Fédération Wallonie Bruxelles, de la COCOF, de WBI/WBTD et de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge
Lire : Didier Poiteaux, "Fast [Peut-on se réapproprier ses désirs dans une société de consommation ?]", Carnières, Lansman, 2024, 42p.