Critique – Opéra & Classique

Falstaff de Giuseppe Verdi

Bryn Terfel irrésistible bouffon dans une reprise sans surprise

Falstaff de Giuseppe Verdi

A l’Opéra national de Paris, certaines productions ont la vie longue. Des mises en scènes emblématiques comme celle des Nozze di Figaro de Mozart par Giorgio Strehler ou celle du Faust de Gounod par Jorge Lavelli, battirent les records durant plus de trente ans. Elles étaient et resteront indémodables ! D’autres tiennent la barre plus modestement et de façon moins exemplaire comme ce Falstaff de Giuseppe Verdi dont l’homme de théâtre Dominique Pitoiset avait signé une sage réalisation en 1999.

Elle tient la route pour ce retour sur la scène de l’Opéra Bastille, conforme à elle-même et à sa lecture au premier degré. Le vaste mur de briques glisse toujours sur ses rails pour faire passer l’action d’une taverne au logis de Mrs Quicly et reste hors de propos au troisième acte où le chêne de Herne censé s’élever au milieu de la forêt se contente d’une projection vidéo sur la façade de pierre où s’aligne les mots "Hernes Great Oak" .

L’ultime et pur chef d’œuvre de Verdi, cette farce ruisselante du bonheur de vivre (composée après sept années de silence), peut inspirer des imaginaires plus décalés mais on ne va pas se plaindre d’une lecture sans autre prétention que celle de mettre en images et en jeux une œuvre qui, par elle-même, bouscule un bon nombre d’idées reçues. Octogénaire bien vert, Verdi s’est laissé embobiner par les frasques des Joyeuses Commères de Windsor mises en tourbillons vaudevillesques par un Shakespeare en quête de plaisirs et de rires. Les femmes mènent la danse. Plus bête que méchant, son mâle héros a tous les défauts, il fanfaronne, il tonitrue, il fait le beau balançant ses rondeurs débordantes comme autant d’asticots de pêcheur à la ligne. Divinement ridicule et singulièrement sympathique.

Pour lui donner vie et voix il faut donc à son tour pêcher dans l’exceptionnel. Bryn Terfel, baryton basse né au Pays de Galles, en rassemble tous les atouts de voix et de jeu pour incarner en humour et gourmandise ce anti-héros, prince du burlesque. Si sa bedaine ressort d’un artifice de costumier, l’ampleur de son timbre n’appartient qu’à lui. Il en joue en diable sûr de lui, lui fait faire d’incroyables cabrioles vocales, du chuchotement au cri tout en maintenant le cap de la comédie bouffe, entre grotesque et inquiétude.

Il est fort bien entouré par les quatre commères planificatrices de ses déboires. Mrs Quickly par Varduhi Abrahamyan chauffe ses graves avec un appétit sensuel, Aleksandra Kurzak allie la légèreté de ses aigus à l’espièglerie de son jeu pour une Alice Ford de charme, Meg Page hérite de la calme assurance de Julie Pasturaud, tandis que l’amoureuse Nanneta se fond dans la grâce de Julie Fuchs dont les aigus soyeux s’envolent vers des cimes d’émotion.

Francesco Demuro manque un peu d’équilibre en Fenton entiché, à la fois dans son jeu un rien brinquebalant et dans ses aigus pincés. Franco Vassallo campe en revanche un Ford sinistre à souhait qui impose sa présence et ses volontés par des pantalonnades espiègles et une voix qui ne craint rien, ni la démesure, ni le pathétique d’un parfait cocu cornu. Graham Clark fait du brave docteur Cajus un vieillard enrhumé, Rodolphe Briand et Thomas Dear complètent la distribution en pitres rôdés.

A la tête de l’Orchestre de l’opéra, Fabio Luisi mène sagement ses musiciens au service de la partition, sans excès, sans fausses notes et sans grande imagination.

L’ensemble s’accorde avec Verdi à proclamer que le monde n’est qu’une farce : « Tutto nel mundo e burla ! ». C’est sa devise !

Falstaff de Giuseppe Verdi, livret d’Arrigo Boito d’après William Shakespeare. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris, direction Fabio Luisi, chef de chœur José Lui Basso, mise en scène Dominique Pitoiset, décors Alexandre Belliaev, costume Elena Rivkina, lumières Philippe Albaric. Avec Bryn Terfel, Franco Vassallo, Francesco Demuro, Aleksandra Kurzak, Julie Fuchs, Varduhi Abrahamyan, Julie Pasturaud, Graham Clark, Rodolphe Briand, Thomas Dear .

Opéra Bastille, les 26 octobre, 1, 4, 7, 10, 16 novembre à 19h30, le 29 octobre à 14h30

08 92 89 90 90 – www.operadeparis.fr

Photos Sébastien Mathé - Opéra national de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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