Critiques / Danse
Eonnagata, Sylvie Guillem, Robert Lepage et Russel Maliphant
par
Flou artistique

Ballerine prodige, Sylvie Guillem fut longtemps l’incarnation de l’idéal classique. Elle explore désormais d’autres horizons, quitte à prendre des risques. Avec le chorégraphe britannique Russell Maliphant et le metteur en scène québécois Robert Lepage, elle présente Eonnagata. Entre théâtre et danse, ce spectacle volontairement inclassable peine malheureusement à se frayer un chemin.
Pour Sylvie Guillem, la scène est un terrain d’aventure. A 45 ans passés, elle se permet toutes les audaces. Lors de son dernier passage à Paris en 2008, elle était en compagnie du chorégraphe anglais Akram Khan pour le formidable Sacred monsters. Elle est de nouveau à l’affiche avec Eonnagata, fruit d’une collaboration triangulaire entre la danseuse, le chorégraphe britannique Russell Maliphant et le metteur en scène québécois Robert Lepage. Les trois artistes, des stars dans leur discipline respective, s’offrent avec ce spectacle un espace de liberté. Ils ont choisi comme fil rouge l’histoire du chevalier d’Eon. Espion à la solde de Louis XV, il se travestissait pour mener à bien ses missions. Homme ou femme ? Sa véritable identité sexuelle a alimenté toutes les suspicions jusqu’à sa mort en 1810. Eonnagata explore l’ambigüité du personnage à la lumière de l’Onnagata. Dans le théâtre japonais kabuki, cher à Sylvie Guillem et Robert Lepage, cette technique permet aux acteurs masculins de représenter des femmes.
Comme son titre énigmatique, le spectacle revendique sa nature hybride. Les frontières s’effacent et laissent les arts se fondre les uns avec les autres. Robert Lepage danse, Sylvie Guillem déclame et Russell Maliphant chante. Tous trois prennent visiblement un grand plaisir à ce joyeux brouillage des pistes mais le résultat de cette ambitieuse fusion se révèle peu convaincant. Les séquences légèrement chorégraphiées, inspirées notamment des arts martiaux, succèdent aux saynètes théâtrales dans un décor fourni de trop d’accessoires et autres effets spéciaux. A trop vouloir mélanger les genres, les interprètes évoluent dans un interstice mou où finalement peu de choses s’expriment, laissant toujours le spectateur à distance. Le récit apparaît comme un prétexte gratuit à un spectacle sans émotion. La grâce de Sylvie Guillem, l’allure de Russell Maliphant ainsi que la beauté de leurs costumes, signés par le défunt Alexander McQueen, ont pourtant de quoi séduire. Quelques tableaux, servis par des jeux d’ombres et une lumière particulièrement soignée par Michael Hulls, constituent une vraie réussite visuelle. Dans les derniers instants de la pièce, une scène imaginée autour d’un miroir envoûte par sa légèreté et sa poésie. L’ensemble ne parvient cependant pas à trouver l’unité nécessaire au ravissement.
Au théâtre des Champs-Elysées à Paris jusqu’au 9 janvier.
Renseignements : 01 49 52 50 50. www.theatrechampselysees.fr
Centre cultutel Odyssud à Blagnac les 13 et 14 janvier.
Renseignements : 05 61 71 75 15.
www.odyssud.com