Entrons dans La Vieille Maison

Théo Imart et Rémi Durupt nous en disent plus sur l’ouvrage de Marcel Landowski à l’affiche d’Angers-Nantes Opéra.

Entrons dans La Vieille Maison

Alors qu’Angers-Nantes Opéra s’apprête à présenter, trente-cinq ans après sa création en 1988, La Vieille Maison de Marcel Landowski, nous recevons Rémi Durupt, chef d’orchestre, et Théo Imart, contre-ténor, tous deux à l’affiche de cette nouvelle production d’une œuvre on ne peut plus rare.

Les représentations de La Vieille Maison de Marcel Landowski démarrent, près de trente-cinq ans après sa création et son unique représentation ici, à Nantes. Connaissiez-vous cette œuvre avant qu’Angers-Nantes vous sollicite ?
Théo Imart : Non, pas du tout ! Même Landowski comme compositeur m’était inconnu, je connaissais seulement l’homme de culture qu’il était. Il s’agit donc pour moi d’une découverte, d’autant que c’est la première fois que je chante une œuvre contemporaine ou plutôt, en l’occurrence, une œuvre moderne.
Rémi Durupt : Je ne connaissais pas non plus Marcel Landowski, sinon, comme l’a dit Théo, en tant qu’homme politique. Landowski est issu d’une époque où le néotonal ou le polytonal étaient peu mis en avant, d’où sûrement son absence de postérité. Mais sa musique est très riche, avec des émotions, des tensions, des couleurs. Nous avons le sentiment, avec Eric Chevalier [ndlr, le metteur en scène], que cette œuvre est assez autobiographique. Le compositeur y a glissé des éléments de son passé, notamment des références à son père, le sculpteur Paul Landowski.

Rémi Durupt, vous connaissez bien Angers-Nantes Opéra, pour y avoir notamment été l’assistant de Guillaume Bourgogne à l’occasion de la création de L’Annonce faite à Marie de Philippe Leroux. Bien que vous étant inconnue, cette Vieille Maison est-elle proche de la musique que vous avez l’habitude de diriger ?
RD : Je suis percussionniste de formation et féru de musique contemporaine. Voilà maintenant huit ans que je dirige, avec une entrée dans cette discipline via l’étude de l’orchestration. Je me suis formé auprès de Peter Eötvös à Budapest, et de Nicolas Brochot à Évry. Aujourd’hui, je ne considère plus le temps musical de manière linéaire, j’aime faire des parallèles entre les époques. Même lorsque l’on dirige de la musique classique ou de la musique baroque, on le fait avec des oreilles et des yeux d’aujourd’hui, avec ce que la société nous donne. C’est la raison pour laquelle les projets transversaux me parlent, ce que je retrouve en particulier à l’opéra, le spectacle vivant, total. Alors oui, je suis souvent sollicité pour la musique contemporaine, mais toutes les périodes m’intéressent. J’ai dirigé Tchaïkovski, Stravinski, Chopin, Haydn... Et un jour, j’espère, j’aborderai une symphonie de Mahler !

Théo Imart, votre voix vous amène évidemment à un répertoire tout autre, baroque ou musique ancienne…
ThI : Nous disposons d’un vaste répertoire, avec les opéras de Haendel, ceux de Mozart, très souvent donnés, mais aussi la musique ancienne, extrêmement intéressante : il suffit de penser à Monteverdi. Si les mezzo-sopranos ont souvent remplacé les contre-ténors, je pense que nous entendrons dans les années à venir de plus en plus de contre-ténors. On observe une tendance à la spécialisation des orchestres, qui jouent à 430 [ndlr : 430Hz, à la différence des orchestres classiques à 440Hz], sur instruments d’époque. Nous irons sûrement aussi vers une spécialisation des voix. D’autant que la palette vocale des contre-ténors est, selon moi, bien plus large que celle des mezzos, qui nous remplacent souvent. Si vous prenez dix contre-ténors, vous aurez dix manières de chanter très différentes, toutes très personnelles. Par ailleurs, si l’on fait un saut dans le temps, on retrouve beaucoup de rôles de contre-ténors dans la musique contemporaine..

Venons-en à La Vieille Maison, dont on a pu entendre dire qu’il s’agit d’un opéra pour enfants, parce que le héros est un enfant. Est-ce aussi votre avis ?
ThI : Non, ce n’est pas parce qu’une partition est accessible qu’elle est destinée aux enfants ! C’est un opéra pourvu d’un livret dense, avec un orchestre, des chœurs, des solistes ! Le rôle de Marc, qui est le mien, est subtil : il incarne la naïveté de l’enfant qui veut faire plaisir aux adultes, mais qui commet des erreurs, et qui s’enferre tout seul dans ses mensonges. Il y a là comme une spirale un peu sombre.
RD : Je suis d’accord. Pour moi, il y a plusieurs lectures possibles de La Vieille Maison, mais pour les spectateurs, c’est un opéra très accessible. Il s’agit d’un conte féerique que je vais essayer de retranscrire fidèlement avec les artistes. Les choix de mise en scène qui ont été faits à l’occasion de cette production rendent les choses simples, intelligibles, ludiques. La musique est belle, cinématographique, imagée. Elle a cette force qui lui permet de toujours répondre à la dramaturgie. Le héros, Marc, suit un parcours initiatique prenant, comme un rite, entre l’enfance et l’arrivée à l’âge adulte.

À quoi, musicalement, le spectateur doit-il s’attendre ?
RD : Nous avons voulu restituer le plus de couleurs possibles, avec cet ensemble recomposé. Je dirige un arrangement pour onze musiciens de la région : quintette à cordes, synthé, flûte, clarinette, basson et percussions. Il y a également deux chœurs, dont un chœur d’enfants, auquel nous avons voulu donner un vrai rôle.
ThI : Certaines œuvres contemporaines sont fondées sur les contrastes, des harmonies difficiles, inhabituelles pour certaines oreilles. La Vieille Maison n’en fait pas partie !

Rémi Durupt, Théo Imart, comment vous êtes-vous attaqué à cette œuvre, qui finalement est une œuvre inconnue ?
RD : Je pars toujours du global pour aller aux détails. Je lis, je découvre, j’écoute quand c’est enregistré, je m’imprègne de ce qui entoure l’œuvre. Puis je travaille la partition. C’est mon troisième opéra en tant que directeur musical, et ici encore, je me passionne pour tout ce qui lie les voix, les instrumentistes et la scène.
ThI : Comme Rémi, je crois, j’ai commencé par écouter le seul enregistrement existant, que l’on nous a donné. Le plus dur, ce sont les premiers jours, le temps de trouver ses notes, ses départs, l’alignement avec les autres solistes. J’ai travaillé intensément au début, puis plus lentement, afin de m’approprier cette œuvre qui n’existe pas encore dans nos esprits.

Propos recueillis par Quentin Laurens

Illustrations : à gauche, Rémi Durupt (photo Opéra de Rennes) ; à droite, Théo Imart (photo Angers Nantes Opéra)

Informations et dates :
https://www.angers-nantes-opera.com/la-vieille-maison

A propos de l'auteur
Quentin Laurens

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