Elle... Emoi d’Emmanuel Van Cappel
Rupture avec une compagne en métal doré
Qui est Elle ? Qui se cache sous ce prénom féminin ? Le spectateur ne le devine pas tout de suite, tant l’ambiguïté est finement filée dans un bel exercice de métaphore. Mais « elle » n’est pas une femme, c’est une trompette. On aurait pu s’en douter, si l’on avait tout de suite regardé le décor fait de rais lumineux entre lesquels sont suspendus des instruments de musique dorés. Voilà qui tient de la salle de concert et du musée de la trompette ! Devant ce fond de scène éclatant, un personnage, seul, en tenue noire et blanche de concertiste se raconte. Il était amoureux de sa trompette, et donc de son métier de trompettiste. Mais il fait ses adieux à la compagne qu’il a eue entre les mains et sur ses lèvres pendant dix-sept ans. Fini le jeu musical en solo ou dans un orchestre ! L’artiste passe à autre chose mais cherche à comprendre cette rupture qui, d’instinctive, devient claire et lucide après une heure tourbillonnante d’introspection vagabonde.
Ce moment de théâtre pourrait faire penser à La Contrebasse de Patrick Süskind, où un musicien dialogue, de mauvaise humeur, avec sa contrebasse avant d’aller rejoindre l’orchestre. Mais le monologue de Suskïnd est de la fiction. Emmanuel Van Cappel, lui, transforme en confession théâtrale ce qu’il a vécu : il a été ce musicien passionné, dont la vie additionne les beautés et les contraintes (il nous rappelle que les interventions d’un trompettiste dans une pièce classique se limite généralement à quelques rares interventions et qu’il doit quand même compter les mesures pendant tout le concert !). Et qui s’en va, tourne la page. Ce dernier salut, il l’a écrit avec une grande élégance et le joue avec une évidente sincérité. Bien sûr, il intègre des parties musicales, faisant sonner doublement en nous cet instant de séparation mélancolique et comique. La mise en scène de Nathalie Louvet fait tourner Van Cappel comme un doux fauve en cage. Tout chante juste !
Elle… Emoi, texte et jeu d’Emmnuel Van Cappel, mise en scène de Nathalie Louyet, regard extérieur de Jean-Philippe Lucas Rubio.
Lucernaire, 19 h, tél. : 01 45 44 57 34, jusqu’au 17 novembre. (Durée : 1 h).
Photo DR.