Critique – Opéra & Classique

Don Pasquale de Gaetano Donizetti

Le barbon et la jouvencelle : une histoire qui marche à tous les coups.

Don Pasquale de Gaetano Donizetti

Depuis sa création en 1843, Don Pasquale a été très souvent représenté au Liceu, malgré une éclipse d’une quarantaine d’années entre la fin du XIXème siècle et 1946. A partir de cette date il n’a plus quitté la scène : le public adore la musique de Gaetano Donizetti, et le personnage central a été interprété par les plus grands artistes.

Le 16 juin dernier, jour de la première, le rideau s’est levé avec quelques minutes de retard, une manifestation des placeurs aux portes du théâtre gênant considérablement l’entrée du public dans la salle. Cet incident nous aura rappelé une nouvelle fois qu’un théâtre d’opéra est aussi une entreprise confrontée aux problèmes quotidiens de toute société commerciale et, en particulier, à ceux des relations avec ses fournisseurs. En fait, le Liceu sous-traite le service du placement du public et ce soir-là, les employés de cette organisation externe, insatisfaits de leurs conditions de travail réclamaient, entre autres choses, leur intégration complète au Gran Teatre.

Une mise en scène tirée au cordeau dans un décor inattendu.

Laurent Pelly aura, une fois de plus tapé dans le mille avec cette réalisation. Sa mise en scène, travaillée jusqu’au moindre détail, délicieuse, respectueuse des textes, donne aux situations tout leur sens. Elle souligne des passages qui passeraient sans doute inaperçus sans le geste de l’acteur et, s’appuyant sur la musique, définit la personnalité de chaque personnage pour aboutir à un ensemble homogène et cohérent. Le décor signé Chantal Thomas est très osé –si l’on tient compte et de la tradition et de la relative banalité de l’histoire- mais il rend bien justice au monde sens dessus-dessous que décrit la pièce.

La question du rôle-titre.

Certes, au théâtre le vieillard inconscient de son âge convoitant une jeune fille est censée être drôle, mais dans le cas qui nous occupe la seule présence du personnage sur scène n’a pas suffi à déclencher le rire du public. Don Pasquale doit être incarné par un acteur hors-série, doublé d’un chanteur hors pair. C’est la condition sine qua non de la réussite d’une production. Les trois autres personnages principaux –Norina, Ernesto et Malatesta- peuvent être de moindre relief. Or, cette fois-ci, la valeur relative des poids artistiques des artistes n’a pas été respectée. En effet, Lorenzo Regazzo, vocalement correct certes, est apparu comme un pauvre homme sans la moindre envie apparente de reverdir à la vue de la belle Norina. Amputé de sa dimension « buffa », il est apparu comme un petit Falstaff, l’aura du personnage shakespearien, en moins. L’artiste sur scène, trop préoccupé par l’exécution de sa gestuelle –Laurent Pelly était en coulisse- a accentué le côté maladroit et pathétique du riche vieillard. Sans Don Pasquale en vrai chef de scène, les efforts du reste des artistes ne pouvaient malheureusement qu’être vains.


Un satisfecit sans réserve pour le reste de la distribution, l’orchestre et le chœur.

Valentina Naforniţa a prêté à Norina sa belle silhouette, sa voix cristalline et son joli timbre. Et même si elle en a fait un peu trop pour souligner les effets –discutables- de sa colorature, les qualités de son émission devaient suffire à faire applaudir son travail. Juan Francisco Gatell –un Ernesto manifestement amoureux de Norina- a chanté d’une voix ferme et bien timbrée, sans forcer les effets, sans maintenir excessivement ses aigus à la recherche de l’applaudissement. Le baryton Mariusz Kwiecień –Malatesta- a été parfait au point de ravir –à l’applaudimètre- la vedette au rôle-titre.

L’orchestre, dirigé par Diego Matheuz, s’est limité à bien jouer la partition ; les chœurs, bien préparés par Conxita Garcia nous ont offert un troisième acte de grande classe.

Don Pasquale, dramma buffo en trois actes de Gaetano Donizetti, livret de Giovanni Ruffini. Direction musicale Diego Matheuz. Mise en scène et costumes Laurent Pelly, décors Chantal Thomas, lumières Duane Schule. Avec Lorenzo Regazzo, Valentina Naforniţa, Juan Francisco Gatell, Mariusz Kwiecień, Marc Pujol. Production Gran Teatre del Liceu, The Santa Fe Opera, San Francisco Opera.

Gran Teatre del Liceu les 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 25, 26, et 27 juin 2015.

Tél. +34 93 485 99 29 Fax +34 93 485 99 18
http://www.liceubarcelona.com exploitation@liceubarcelona.cat

Photos : A. Bofill

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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