D’AMOUR ET DE MAÏS FRAIS

Pour clore sa saison, Angers Nantes Opéra nous fait goûter un nouvel Elixir d’amour.

D'AMOUR ET DE MAÏS FRAIS

APRÈS LE TRAVAIL DU MAÏS, un groupe de paysans se prélasse et bavarde au soleil, bière à la main, dans une atmosphère estivale et légère : David Lescot plante l’histoire de Nemorino et Adina dans un décor unique, la cour d’« une ferme de gitans », qui accueillera la caravane du Docteur Dulcamara, les pavanes (torse bombé) de Belcore, la noce, les jérémiades de Nemorino et l’aveu d’amour des deux amants. Sans déconcerter par une lecture fantasque du livret, la mise en scène est intelligible, fluide et amusante. La direction d’acteurs, fouillée, anime les tableaux successifs avec humour. Les lumières de Paul Beaureilles teintent la scène et créent des atmosphères de fête et d’été.

Les costumes de Mariane Delayre en revanche font hésiter : l’affaire s’installe-t-elle dans l’Italie rurale des années 60 ou dans la période contemporaine ? Quelques accessoires (souffleur de feuilles, machine à popcorn, terminal de carte-bleue…) nous permettent de statuer. Les hommes en habit des champs et les femmes en robes bigarrées de la première partie tranchent avec les tenues de mariage à la sicilienne de la seconde : robes rose-bonbon, costumes satinés, chemises déboutonnées, chaînes en or au vent.

Si la scène ravit, la musique aussi. Dans la fosse comme sur le plateau, personne n’est oublié : les départs sont précis, Chloé Dufresne est à l’écoute, sa baguette vive met l’Orchestre national de Bretagne en alerte. Le chœur Mélisme(s) dirigé par Gildas Pungier apporte dans les scènes de liesse populaire une présence physique et une épaisseur vocale bienvenues.

Larme furtive

Premier représentant de la distribution française, qui alterne avec des voix italiennes, Mathias Vidal est Nemorino. Dans ce classique du bel canto, le ténor convoque les ingrédients attendus : émotion, complainte et dévotion. Si l’on goûte sans réserve la musicalité du chant (le très attendu « Una furtiva lagrima » est intense et élégant) et l’engagement scénique, on apprécierait davantage de soutien et le maintien d’une ligne plus nette, notamment dans les forte. Sa prétendante qui deviendra son épouse, Adina, est brillamment interprétée par Perrine Madoeuf, dont les moyens vocaux (voix puissante, aigus clairs, ligne franche) permettent une maîtrise du rôle ainsi qu’une pétillante liberté de jeu. Son « Prendi per me sei libero », apogée du chassé-croisé amoureux avec Nemorino, est fluide et touchant.

Marc Scoffoni compose un Belcore fier, dans un style « vieux beau », conquérant et séducteur. Son entrée en matière avec le « Come paride vezzoso » donne le ton : voix franche et clairement projetée, stature assurée que colore une pointe d’humour bienvenue, le baryton convainc. Le Docteur Dulcamara est chanté par Giorgio Caoduro, fantasque et haut-en-couleurs, qui s’illustre avec l’excès que réclame son rôle. Ses elixirs d’eau et de raisin auront animé la foule ! Enfin, une voix claire et délicate permet à Marie-Bénédicte Souquet de jouer de malice et de vivacité dans le rôle de l’espiègle Giannetta.

Il flottait à Nantes un parfum d’été avec cet Elixir d’amour, qui sera diffusé simultanément sur les places et dans les jardins de cinquante villes des Pays-de-la-Loire, le jeudi 15 juin, par l’intermédiaire d’un grand écran, à la conquête d’un nouveau public.

Crédit photo : Julien Mignot

Gaetano Donizetti : L’Elixir d’amour. Nemorino : Giulio Pelligra (28 mai, 11,13 et 15 juin) / Mathias Vidal (26 mai, 7 et 9 juin) ; Adina : Maria Grazia Schiavo (28 mai, 11,13 et 15 juin) / Perrine Madoeuf (26 mai, 7 et 9 juin) ; Belcore : Marc Scoffoni ; Dulcamara : Giorgio Caoduro ; Giannetta : Marie-Bénédicte Souquet. Mise en scène : David Lescot ; scénographie : Alwyne de Dardel ; costumes Mariane Delayre ; lumières Paul Beaureilles ; vidéo Serge Meyer. Chœur de chambre Mélisme(s) (Gildas Pungier, chef de chœur) ; Orchestre national de Bretagne, dir. Chloé Dufresne. Coproduction avec l’Opéra de Rennes et l’Opéra de Lorraine. Théâtre Graslin, le 7 juin 2023.

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Quentin Laurens

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