Constellations de Nick Payne
L’éventail de tous les possibles
Une jeune femme et un jeune homme se rencontrent chez des amis. Mais la rencontre à laquelle on assiste se répète, ou plutôt se renouvelle : les voilà qui font à nouveau connaissance, mais pas tout à fait de la même façon. Des détails changent. La même rencontre a lieu une troisième fois, mais avec d’autres changements. Et l’on avance dans le temps. Et parfois on recule vers le temps passé ! A chaque fois, les scènes sont données dans des versions semblables et pourtant décalées dans le langage et dans les gestes.Le couple est en fusion, le couple est en rupture. Ils vivent ensemble, ils vivent séparément. Ils se disent des mots tendres, ils se couvrent de reproches. Ilsz s’aiment encore ou ils ne s’aiment plus ? On ne sait pas, on n’est plus sûr de rien ! Pas une histoire. Mais des éclats d’histoires où les mêmes personnages affrontent une série de situations qui se vivent et se dénouent différemment d’un instant à l’autre. L’auteur, Nick Payne, dont la pièce a reçu un grand succès à Londres, fait tournoyer un catalogue de tous les possibles, où la vie à deux est comme « shootée » par un photographe qui ferait défiler ses prises de vue au gré des similitudes et des oppositions. Au terme de ce carrousel, aucune leçon. A chacun de penser quel sens a pour lui cet éventail de fragments de vie contradictoires.
L’exercice est brillant mais un peu systématique. On s’en lasserait si la mise en scène de Marc Paquien (auteur également d’un beau décor, qui semble une cible de pierre noire) ne donnait à ce fonctionnement paradoxal une nervosité continue, une vie concrète en équilibre au-dessus de l’abstraction. Les acteurs réalisent une prouesse : chaque scène utilise des dialogues de la scène précédente et les malaxe à de nouvelles répliques. De quoi y perdre son latin ! Mais Marie Gillain, dans une petite robe noire, passe, dans une apparente décontraction, d’un état d’âme à l’autre. Elle n’est jamais théâtrale, toujours dans les rebonds d’une vie traversée d’impulsions. Christophe Paou, tout en toile de jean, joue à l’opposé plus de placidité, plus d’égalité d’humeur, plus de force douce. Ils sont le désespoir et l’espoir, à tour de rôle. Beaux interprètes, ils savent aller au-delà de la virtuosité sur laquelle se fonde le texte de Nick Payne.
Constellations de Nick Payne, texte français d’Elisabeth Angel-Perez et Manuel Piolat Soleymat, mise en scène et scénographie de Marc Paquien, costumes de Claire Risterucci, lumières de François Menou, son de Xavier Jacquot, avec Marie Gillain et Christophe Paou.
Petit Saint-Martin, 21 h, tél. : 0142 08 00 32. (Durée : 1 h 10).
Photo X.