Cœur sans écho de Lorca

• Publié par Michel Voiturier
• 12 juillet
• Critiques
• Théâtre
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Federico Garcia Lorca (1898-1936) fut longtemps une figure symbolique aux yeux de plusieurs générations. Sans doute est-il remplacé, pour les plus jeunes, par Pier Paolo Pasolini (1922-1975). Leurs deux destins ont des similitudes : l’un Espagnol, l’autre Italien, créateurs en littérature et en spectacles (poésie et théâtre pour l’un, poésie, roman et cinéma pour l’autre), antifascistes et marxistes, homosexuels, anticonformistes, assassinés.

Nous rappeler la poésie singulière et tellement humaine de Federico est nécessaire, non seulement grâce à l’empreinte espagnole affichée cette année par le In et le Off d’Avignon, mais aussi parce que nos démocraties matérialistes ont besoin viscéral de poésie. C’est-à-dire d’une littérature qui témoigne des valeurs fondamentales de l’humain : une sensibilité permettant de percevoir le monde à travers tous nos sens et notre analyse du vécu, un regard tourné vers les échanges entre vivants quelle que que soit son origine, un besoin d’exprimer ses douleurs et ses espérances, un partage de nos solitudes originelles, une perspective positive d’exister en sachant que la mort est inévitable.

Jean Leloup a choisi des poèmes essentiels de cet Espagnol écorché et généreux que fut Lorca. Il l’a fait sans concession mais sachant que transmettre une œuvre écrite en langue étrangère est difficile parce que toute traduction est un peu trahison. Il nous offre donc la musique originelle des textes tout en donnant une bonne partie en français pour être entendu par le public de nos pays francophones.

Seul en scène, il recrée d’abord un univers connu, celui d’une Espagne du fandango, de la corrida, de traditions restées vivaces notamment à travers le poids du catholicisme, de cicatrices laissées, soit par les violences de la guerre civile menant à la dictature, soit à cause des remous meurtriers de nationalismes aveugles. Il y aura donc de la musique scandée et dansée, la cape du torero et son rapport à la mort, un prie-Dieu, des bougies, dont une est éteinte après chaque poème récité, un écran pour des images diverses mêlant l’annonce des titres choisis, l’historique, l’omniprésence de la nature, des dessins de l’écrivain… sans redondance trop facile avec celles des mots.

Le récital de Leloup est scénique. Le comédien ne se contente pas de dire. Il joue de sa présence corporelle en occupant l’espace, y dansant, y gesticulant, s’y déployant. Il donne existence à la parole sans la dramatiser, l’outrepasser à travers des effets inutiles. Il apporte les émotions du poète qui nous touchent. Rien de cet univers ne s’égare dans l’imaginaire. Comme toujours lorsqu’il s’agit de poésie authentique, les vocables associent sens et son, demeurent ici dans la sphère familière du parler quotidien pour devenir images, sensations, émois.

Le morceau de bravoure reste sans nulle équivoque le célèbre « Chant funèbre pour la mort d’Ignacio Sanchez Mejias  » hors du mélodramatique, soulignant les douleurs sentimentales et physique. Mais d’autres textes nous confrontent au naturel que sont le végétal, la succession des jours et des nuits autant que des saisons. Surgissent aussi la solitude de l’être humain et la compassion, ses déceptions amoureuses, son besoin de communication dans lesquels chacun retrouvera un peu de lui-même.

Durée : 1h
Festival Off Avignon 2024
du 3 au 21 juillet à 11h30 Au Vieux Balancier Salle Shakespeare

Public : Tout public à partir de 7 ans