Opéra National de Paris – Palais Garnier jusqu’au 13 novembre
COSI FAN TUTTE de Wolfgang Amadeus Mozart et Lorenzo Da Ponte
Une mise en scène de dix-huit d’âge.. majeure… intemporelle … classique…
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- 26 octobre 2013
- Critiques
- Opéra & Classique
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La patine du temps a parfois des vertus singulières : à voir et revoir une fois de plus ce Cosi fan tutte de Mozart dans les habits et les décors conçus par Ezio Toffolutti au printemps 1996 pour la réouverture du Palais Garnier après une intense période de rénovation , on a le sentiment de revoir un classique. Si rien dans cette mise en scène n’a jamais relevé d’une quelconque crise de jouvence, rien non plus ne l’a fait vieillir.
De familier, le coup d’œil est devenu charmeur. On a tant vu de transpositions dans les univers les plus divers, souvent sans grand lien avec l’œuvre, que cette sagesse, ce premier degré respectueux, se révèle presque audacieux. Toffolutti qui fut des années durant le décorateur du grand Giorgio Strehler, installe le défi amoureux de Mozart et da Ponte dans une Venise aux murs ocre, avec ses ponts élancés, ses silhouettes masquées, bossues échappées de la commedia dell’arte, ses intérieurs pastel, ses soieries et ses brocards sortis des pinceaux d’un Fragonard ou d’un Watteau.
Cosi fan tutt e ou Cosi fan tutt i ? Si elles le font toutes, ils le font tous… Les unes finissent pas se laisser séduire, les autres n’hésitent pas à aller au bout de leurs manœuvres de séduction, même si leur proie est la bien aimée de leur meilleur ami… Tous les moyens sont bons, faux suicides et faux serments. Si Dorabella et Fiordiligi se laissent berner par Ferrando et Guglielmo, ceux-ci agissent sans le moindre scrupule. La mise en scène de Toffolutti, tamisée par les ors des lumières d’André Diot, est fidèle à l’esprit de l’opéra bouffe, à son esprit farce, à sa légèreté. Il y injecte quelques silences détonateurs de rires mais quand, au dénouement ultime, les quatre victimes du pari du cynique Don Alfonso, se trouvent dispersés sur la scène sans point de rencontre, un voile de tristesse brouille leur réconciliation. Toffolutti le suggère mine de rien, sans avoir l’air d’y toucher.
Michael Schönwandt après une ouverture un rien paresseuse, retrouve avec bonheur les paillettes mozartiennes et surtout mène l’orchestre – le toujours bel orchestre de l’Opéra de Paris – en parfaite adéquation avec les voix et le jeu des chanteurs. Ceux-ci constituent une distribution juvénile et plutôt homogène même si le baryton-basse Lorenzo Regazzo campe un assez médiocre Don Alfonso, au timbre sec et au jeu dépourvu d’humour. David Bizic dote Guglielmo de la chaleur de sa voix de baryton et d’une présence plutôt bonhomme dans sa course de séducteur. En Ferrando, le russe Dmitry Korchak manque de constance : tantôt brillant à l’excès, tantôt rigide mais heureusement le plus souvent en parfait accord avec la légèreté du personnage. Les filles ont la part belle. Mozart les gâte « tutte ». L’espiègle Despina que Bernarda Borro sert avec malice sans rien lui apporter d’exceptionnel, la sensuelle Dorabella que Stéphanie d’Oustrac adopte comme un double, prenant un plaisir manifeste à faire roucouler ses désirs, sa gourmandise de vivre et d’aimer. Révélation de la soirée : la jeune soprano grecque Myrto Papatanasiu remporte la palme en Fiordiligi chatte gracieuse sachant jouer de la souplesse de son corps comme des aigus filés de sa jolie voix.
Cosi fan tutte de Wolfgang Amadeus Mozart et Lorenzo Da Ponte, orchestre et chœur de l’opéra national de Paris, direction Michael Schönwandt, chef de chœur Alessandro di Stefano, mise en scène, décors et costumes Ezio Toffolutti, lumières André Diot. Avec Myrto Papatanasiu, Stéphanie d’Oustrac, Dmitry Korchak, David Bizic, Lorenzo Regazzo, Bernarda Bobro.
Opéra National de Paris - Palais Garnier, les 22, 24, 30 octobre, 5, 8, 1 & 13 novembre à 19h30, les 27 octobre et 3 novembre à 14h30
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