Bernard Thomas, la voix théâtrale du Canard

Bernard Thomas, la voix théâtrale du Canard

Bernard Thomas avait le visage le plus gai qu’on puisse rencontrer au cours de sa vie. Ses yeux riaient de tout. Alors même que, nous, ses amis, sommes dans l’affliction, il aurait ri de sa mort : il s’est éteint dans un train, soudainement, au côté de sa compagne, Béatrice, alors qu’il regagnait sa Bretagne natale et tant aimée. Il avait 75 ans et mourait d’avoir eu plusieurs vies : journaliste et romancier, homme de Bretagne et chroniqueur parisien, amoureux des femmes et père de famille attentif dont l’un des enfants, Yann, devint handicapé à la suite d’un effroyable accident. Marin, il avait l’habitude du tangage. Rond et rubicond, il tenait face au roulis, en buvant pas mal et en travaillant beaucoup. Anarchiste, il se moquait royalement de la société et de la religion, toujours généreux avec ceux qui l’entouraient.
Il a eu le temps de bâtir une œuvre, où domine sa fantaisie bienveillante et rebelle (La Croisade des enfants, Aurore) et où le témoignage salue affectueusement des personnalités proches ou admirées (Les Vies d’Alexandre Jacob, Lucio l’irréductible, Le Voyage de Yann). Il écrivait un roman sur Rimbaud en prison, dont on espère que le texte est assez avancé pour qu’il soi publié un jour. Il fut aussi un critique de théâtre qui écrivit du théâtre. Azev ou le Tsar de la nuit fut monté par Régis Santon à Chaillot en 1995. Jérôme Savary mit en scène une comédie musicale dont il avait écrit les couplets. Et il avait d’autres projets avec Jérôme Savary et Daniel Benoin.
Sa critique hebdomadaire au Canard enchaîné, dont il était l’une des fortes personnalités, était très attendue : la plume était sensuelle, gourmande, gouailleuse, blagueuse. Cet esprit goûteux et railleur se retrouvait au Masque et la Plume, l’émission de France-Inter dirigée par Jérôme Garcin, à laquelle il participa longtemps au tournant des années 2000. C’était un régal quand Bernard Thomas s’en prenait à la casuistique des appareils et des personnages religieux. Cet athée connaissait les dogmes et adorait jouer avec les systèmes de pensée et la pompe des mots chers aux prélats. Il aimait combattre l’adversaire avec ses armes mais, au fond de lui, n’avait aucune méchanceté.
Il avait une passion toute sensuelle de la vie, du théâtre et de l’écriture. Les doctrinaires et les dogmatiques ont perdu leur meilleur ennemi.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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