Critique – Opéra & Classique

Bastien et Bastienne de Wolfgang Amadeus Mozart

Les cadets de l’Académie transforme l’art d’aimer du jeune Mozart en réjouissante foire lyrique

Bastien et Bastienne de Wolfgang Amadeus Mozart

La salle en demi-cercle de l’Amphithéâtre Bastille piaille de cris et de rires d’enfants. Ils sont venus découvrir la très futée histoire d’amour que Mozart composa à l’âge de douze ans et que l’Académie de l’Opéra National de Paris a spécialement ressuscitée pour eux dans un décor de fête foraine.

L’orchestre prend place sur un kiosque dressé au centre de la scène. Côté jardin se dresse le stand de voyance du magicien Colas, côté cour le stand de tir de Bastienne. Bastien, ouvrier électricien, est appelé pour régler les lampions. Les musiciens répètent. Dès les premières notes le silence se fait dans la salle. Il restera suspendu durant les 55 minutes de ce Mozart juvénile, transféré par Mirabelle Ordinaire, metteur en scène, du monde rural à celui des saltimbanques de foire.

La transposition met du rouge aux joues à ce « singspiel » - - jeu musical entrecoupé de dialogues parlés - dont maints passages annoncent les futures Noces de Figaro ou Flûte Enchantée. C’est l’histoire d’une ruse. Bastienne doute de l’amour de Bastien, coureur de jupons notoire. Sur les conseils de Colas, le devin de village – ici voyant de kermesse-, elle lui fait croire qu’elle en aime un autre que lui. La jalousie aussitôt allumée lui apportera la réponse attendue. C’est bien elle que le don juan en herbe aime d’amour vrai.

Le livret en langue allemande de Friedrich Weiskern a été traduit et adapté en français par la même Mirabelle Ordinaire en un langage simple et direct. Pas de sur-titrage. Si les parties chantées ne sont pas toujours à 100% compréhensibles, les dialogues des récitatifs ont la vivacité des comédies et les trois interprètes de ce jeu d’amour et de malice les mettent joyeusement en vie dans le décor festif de Philippine Ordinaire et les costumes imaginatifs de Sylvain Blondeau, l’ensemble pimpant, adroitement sexy de Pauline Texier/Bastienne ou l’accoutrement à transformation du Colas magicien d’Andriy Gnatiuk.

Pensionnaire de l’Atelier Lyrique depuis 2012, ce dernier, jeune baryton basse venu d’Ukraine, a plus d’une fois déjà imposé la profondeur de son timbre et sa présence agile dans les productions de l’Atelier (Don Giovanni, Le viol de Lucrèce, Orfeo…). Le voilà métamorphosé en sorcier de carnaval, cape déployée, turban ailé vissé sur le crâne, lançant son « Digui, Dagui, Chouri, Mori… » comme une imprécation d’ordre surnaturel. Salopette jean et ceinture d’outillage, le Bastien de Juan de Dios Mateos Segura, ténor au timbre lisse, affiche une allure un rien patapouf qui cerne bien le personnage. Il retrouve en Bastienne la soprano Pauline Texier avec laquelle il avait déjà récemment partagé Les Fêtes d’Hébé de Rameau (voir WT du 25 mars). Une Pauline Texier toute de charme, gamine, coquine, cristalline de voix, capable de poussées d’aigus lumineux entre deux pauses de medium satiné. Tout simplement adorable !

Petite singularité de la réalisation : les douze musiciens en résidence à l’Académie ne se con tentent pas de faire résonner leurs instruments, ils interviennent par-ci par-là comme acteurs figurants renforçant avec humour le jeu des trois solistes vocaux. Inaki Encina Oyón, maestro familier de l’Académie, les dirige en punch et finesse.
Le bonheur des petits spectateurs jaillit en joyeux applaudissements. Celui des ainés retentit avec autant d’enthousiasme.

Bastien et Bastienne de W.A. Mozart, livret de Friedrich Weiskern traduit et adapté par Mirabelle Ordinaire, musiciens et chanteurs en résidence à l’Académie de l’Opéra National de Paris, direction musicale Iñaki Encina Oyón, mise en scène Mirabelle Ordinaire, scénographie Philippine Ordinaire, costumes Sylvie Blondeau, lumière Philippe Albaric, chef de chant Philip Richardson. Avec Pauline Texier, Juan de Dios Mateos Segura, Andriy Gnatiuk.

Amphithéâtre Bastille, les 9, 12, 13, 19, 20 mai à 20h, les 10 & 17 mai à 15h.
Matinées scolaires les 15, 18 & 22 mai à 14h.
089289 90 90 – www.operadeparis.fr

Photos Agathe Poupeney – Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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