Paris – Opéra Comique jusqu’au 21 mai 2011 – puis en tournée

Atys de Jean-Baptiste Lully

L’absolue perfection d’une résurrection

Atys de Jean-Baptiste Lully

Il y a un certain vertige à reprendre des spectacles dont la réussite puis la renommée ont quasiment transformés en mythes. Ainsi cet Atys de Jean-Baptiste Lully dont William Christie et ses Arts Florissants et Jean-Marie Villégier, metteur en scène de théâtre, avaient à la mi-temps des années quatre vingt fait un joyau à nul autre pareil. D’abord en Italie au Théâtre de Prato puis, en janvier 1987 à Paris à l’Opéra Comique. Ils y reviennent en ce mai 2011 et le miracle se reproduit : même séduction, même perfection, même bonheur.

Les temps ont pourtant changé. La vogue des œuvres dites baroques était encore, il y a près d’une trentaine d’années, non pas à ses débuts mais à l’aube de l’engouement qu’elles allaient susciter. C’est en Belgique, aux Pays Bas, en Autriche que les premiers enthousiasmes naissaient sous les baguettes, les claviers et les archets de musiciens raffinés comme Nikolaus Harnoncourt, Gustav Leonhardt, Ton Koopman, Wieland et Sigiswald Kuiken, René Jacobs, Philippe Herreweghe. Et aussi, venant d’Outre Manche, ce timbre de haute contre qui était tombé dans l’oubli et qui reprit délicatesse et vigueur par le merveilleux Alfred Deller puis par Henri Ledroit. Peu à peu, les sons des instruments d’époque, les répertoires des Monteverdi, Lully, Gluck, Rameau, Purcell entrèrent dans les oreilles et les habitudes. On fit des découvertes par poignées, des mises en scènes de plus en plus fouillées, de plus en plus proches de celles des créations, Benjamin Lazar et ses éclairages à la bougie en fut l’un des talentueux promoteurs. (voir webthea des 16 mars 2006, 26 novembre 2007, 25 janvier 2008, 25 mai et 29 novembre 2010). Des spectacles autour des premiers opéras se créaient ici et là mais aucun jamais n’avait réuni autant de passion et de faste que cet Atys de légende. Ces comparaisons allaient-elles nuire à son « remake » ? Elles auraient pu. Il n’en est rien.

L’enthousiasme et la fraîcheur d’une première fois

Christie, Villégier et leurs comparses – à l’exception de la chorégraphe Francine Lancelot disparue en 2003 et remplacée en parfaite fidélité par Béatrice Massin – sont tous au rendez-vous et reprennent, ou plutôt recréent, leur « mascotte » avec l’enthousiasme et la fraîcheur d’une première fois. Grandeur du décor unique aux murs peints censé représenter une salle du royaume de Louis XIV commanditaire de l’ouvrage, somptuosité des costumes aux soies chamarrées reconstitués dans leurs moindres détails, perruques ouvragées en nuages de boucles blanches, tout est brillant, miroitant et semble neuf. Ce qui est partiellement vrai, car une partie des décors et costumes d’origine ont disparu. C’est grâce à un mécène américain, Ronald P. Stanton, octogénaire amoureux de musique et particulièrement de cette production vue il y a 25 ans, que l’ensemble a pu être aussi richement reconstitué.

La distribution, forcément n’est pas la même, seuls le baryton Nicolas Rivenq, toujours en voix et en majesté, retrouve Celenius, le monarque malheureux et Bernard Deletré le rôle du Temps que l’usure de son timbre de baryton basse n’affecte pas. Paul Agnew, conseiller musical, endosse les parures du Dieu du Sommeil et distille, comme un enchantement, l’or de sa tessiture de ténor léger. Emmanuelle de Negri à la voix lactée est Sangaride, promise à Celenius, amoureuse et aimée d’Atys. Bernard Richter est ce bel Atys qui revendique que rien n’est plus aimable que la liberté, il en a la grâce et en fait pleurer les tourments. Cybèle, la déesse qui veut s’enivrer des amours humaines, celle par qui la tragédie se noue trouve en Stéphanie d’Oustrac, mezzo aux riches ressources, une incarnation royale.

Entrée en tragédie par le badinage et la douceur

L’excellence de la diction de pratiquement tous les solistes rend le surtitrage des textes quasiment inutiles. Pour ce bijou musical créé pour le Roi Soleil en 1676 où l’on entre en tragédie par le badinage et la douceur, William Christie, les merveilleux instrumentistes de Arts Florissants, leurs chitarrones, luths, théorbes, violes et clavecins, son chœur, les danseurs de la Compagnie Fêtes Galantes, visiblement se régalent. Et comblent un public qui les applaudit debout pendant vingt minutes.

Atys de Jean-Baptiste Lully, poème de Philippe Quinault. Chœur et orchestre Les Arts Florissants, direction William Christie, mise en scène Jean-Marie Villégier, chorégraphie Francine Lancelot-Béatrice Massin, décors Carlo Tomasi, costumes Patrice Cauchetier, lumières Patrick Méeüs, perruques Daniel Blanc. Avec Paul Agnew, Bernard Richter, Stéphanie d’Oustrac, Emmanuelle de Negri, Nicolas Rivenq, Marc Mauillon, Sophie Danneman, Jaël Azzeratti, Cyril Auvity, Bernard Deletré, Jean-Charles di Zazzo, Elodie Fonnard, Rachel Redmond, Anna Reinhold, Francisco Fernandez-Rueda, Reinoud Van Mechelen, Callum Thorpe, Benjamin Aluni, Arnaud Richard. Danseurs de la Compagnie Fêtes Galantes.

Paris – Opéra Comique, les 12,13, 16, 18, 19 & 21 mai à 19h30 – le 15 à 15h.

0825 01 01 23 – www.opera-comique.com

EN TOURNEE
Théâtre de Caen : du 31 mai au 3 juin
Grand Théâtre de Bordeaux : du 16 au 19 juin http://www.opera-bordeaux.com/
Opéra Royal de Versailles : du 14 au 17 juillet http://www.chateauversaillesspectacles.fr/home.php
Brooklyn Academy of Arts de New York : du 18 au 24 septembre http://www.bam.org/view.aspx?pid=3085

21 MAI à 19h30 : RETRANSMISSION EN DIRECT SUR LA CHAINE MEZZO/MEZZO LIVE HD

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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