Absalon ! Absalon ! d’après William Faulkner

Une mise en scène vertigineuse.

Absalon ! Absalon ! d'après William Faulkner

William Faulkner est né au Mississipi en 1897 au sein d’une vieille famille aristocratique ruinée par la guerre de Sécession. Dans son roman Absalon ! Absalon ! il aborde cette partie de l’Histoire du Sud des Etats-Unis grâce à l’histoire de la famille de Thomas Sutpen, personnage qui veut créer une plantation et y établir une dynastie pérenne. L’originalité du roman de Faulkner réside essentiellement dans l’écriture qui répartit la narration entre plusieurs personnages qui soulignent leur incapacité à dire et à donner un sens à l’histoire qu’ils évoquent. Cette œuvre de Faulkner est particulièrement complexe par son écriture marquée par les répétitions et, si les lieux sont facilement identifiables, il n’en est pas toujours de même pour la continuité temporelle. Adapter ce roman au théâtre est un véritable défi que relève avec talent la metteuse en scène Séverine Chavrier.
Séverine Chavrier a opté pour une scénographie impressionnante et en accord avec le foisonnement du roman de Faulkner. Dans une structure hors norme, elle a choisi de représenter les différents lieux de l’histoire. Nous retrouvons l’immense habitation construite par Sutpen, symbole de la puissance du planteur avant la guerre de Sécession au temps de la splendeur du Sud. Au fil de la pièce le lieu se détériore, reflet de la ruine de la région et de la famille. Ce sont les éléments qui permettent de comprendre la progression temporelle ; quant aux époques, Sévérine Chavrier a choisi de tout brouiller, fidèle à l’esprit de l’auteur américain qui donne peu de repères temporels dans son œuvre. Elle a même choisi d’élargir la temporalité grâce à de nombreux éléments du décor comme les deux voitures, la tête de Mickey, le pop-corn, le chewing-gum ou encore les allusions au mythe du self-made man, qui nous éloignent de l’œuvre du romancier américain.
La construction de la maison de Sutpen permet de délimiter différents lieux dans lesquels se déroulent les scènes que les spectateurs suivent parfois grâce à la vidéo projetée sur la moitié de la façade de le maison. Le travail de vidéo est d’une richesse époustouflante de créativité qui entraîne les spectateurs dans une tourbillon d’images à vous donner le vertige. Entre vidéo en direct, avec des cameras fixes ou portées par les comédiens, les images d’archives, de cinéma noir, policiers, un extrait de Naissance d’une nation de Griffith, c’est une plongée dans le cinéma américain que nous propose Séverine Chavrier.

La pièce reprend l’intrigue principale du roman en procédant par allusions au fil de la pièce et en mêlant plusieurs niveaux narratifs ce qui risque de perdre un peu le spectateur d’autant que la pièce comporte un nombre impressionnant d’éléments ajoutés à l’oeuvre de départ. Absalon ! Absalon ! racconte l’ascension puis la déchéance de Thomas Sutpen, un homme venu de nulle part et entouré dLe choix de la progression de l’intrigue par allusions, en mêlant plusieurs niveaux narratifs risque de perdre un peu le spectateure mystère sur son passé, qui devient le plus gros planteur de coton de la région. Il règne sur son domaine en despote, complexé par ses modestes origines et désireux d’acquérir un semblant de respectabilité. Sa réussite fait de lui un homme craint mais peu apprécié. Il a l’obsession de fonder une lignée puissante et surtout de race pure, lui qui eut en Haïti un fils métis, Charles Bon, qu’il renia quand il découvrit que sa mère avait du sang noir. Mais le fils abandonné revient et s’introduit dans la famille en devenant le meilleur ami de Henri, le fils légitime et en séduisant sa demi-sœur Judith. Lorsque la vérité sur les origines de Charles Bon éclate, Henri tue Charles moins pour éviter un inceste que pour la raison raciale, Charles étant métis. Avec ce meurtre, c’est toute la violence du racisme, de l’esclavage et de l’anéantissement des populations autochtones qui est représentée.
Sévérine Chavrier convoque toutes les formes d’expression artistique, danse, musique, vidéo, théâtre dans un foisonnement parfois un peu difficile à maîtriser pour le spectateur. Le bassiste congolais Armel Malonga signe et interprète la partition musicale du spectacle. Grâce aux propositions originales qu’il a faites, une réinterprétation de Lili Marleen et Indépendance Cha Cha, il élargit les sujets de l’esclavage et de la colonisation aux continents européen et africain si étroitement liés à l’Histoire des Etats-Unis.
On saluera le talent de tous les comédiens et comédiennes de ce spectacle de 5 heures. Sans jamais faillir, sur un rythme soutenu, changeant d’espace en permanence, courant, dansant, ils donnent à leur personnage une force incontestable.

Absalon, Absalon ! d’après William Faulkner
Traduction et relecture : François Pitavy, René-Noël Raimbault
Adaptation et mise en scène : Séverine Chavrier

Avec Pierre Artières-Glissant, Daphné Biiga Nwanak, Jérôme de Falloise, Alban Guyon, Adèle Joulin, Jimy Lapert, Armel Malonga, Annie Mercier, Hendrickx Ntela, Laurent Papot, Kevin Bah « Ordinateur », et la participation de Maric Barbereau, Remo Longo (en alternance)
Dramaturgie et assistanat à la mise en scène : Marie Fortuit, Marion Platevoet, Baudouin Woehl
Scénographie, accessoires et régie plateau : Louise Sari
Lumière : Germain Fourvel
Musique : Armel Malonga
Son : Simon d’Anselme de Puisaye, Séverine Chavrier
Vidéo : Quentin Vigier
Cadre vidéo : Claire Willemann
Costumes : Clément Vachelard
Conseil dramaturgique diversité et politiques de représentation : Noémi Michel
Éducation des oiseaux : Tristan Plot
Collaboration à la lumière : Nelly Perre, Thomas Rebou
Collaboration au son : Mathieu Ciron, Marco Nüesch, Alizée Vazeille
Collaboration à la vidéo : Gilles Borel, Pierre Olympieff
Collaboration à la couture et à l’habillage : Aline Courvoisier, Karine Dubois
Assistanat à la scénographie : Tess du Pasquier
Assistanat aux costumes : Andréa Matweber
Conception des poupées : Chantal Sari
Régie plateau : Mateo Gastaldello, Sylvain Sarrailh, Mansour Walter
Dessin : Alain Cruchon, Gilles Perrier
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival Avignon

Durée : 5h (entractes compris)

Festival d’Avignon 2024
La FabricA
du 29 juin au 7 juillet (sauf le 2 juillet), à 16h

Comédie de Genève
du 17 au 29 janvier 2025
Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
les 5 et 6 février
Théâtre de Liège
les 13 et 14 février
Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris
du 25 mars au 11 avril
Centre dramatique national Orléans Centre-Val de Loire
les 23 et 24 avril

A propos de l'auteur
Brigitte Coutin
Brigitte Coutin

professeur de lettres modernes en lycée

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